Convention sur les temps de l’enfant – une diversion présidentielle face aux urgences

Emmanuel Macron a annoncé par voie de presse le vendredi 2 mai la mise en place d’une convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Selon les déclarations du président de la République, il s’agit de traiter pêle-mêle les temps de vacances (par exemple le nombre de semaines de vacances scolaires) et les horaires scolaires (organisation des journées scolaires : à quelle heure commencer les cours, les arrêter, quelles disciplines privilégier le matin, etc.).

La convention citoyenne est constituée d’un panel de français·es tiré·es au sort et qui seront chargés d’auditionner des experts et, ensuite, d’émettre des avis dont le gouvernement peut se saisir.

Auparavant Emmanuel Macron a utilisé le même procédé pour le climat, en 2019/2020, et pour la fin de vie, en 2022/2023. En connaissez-vous les résultats et les changements qui en ont découlé ?

… nous non plus.

Après 8 années présidentielles d’Emmanuel Macron, le constat est implacable :

  • Pas un professeur devant chaque classe à la rentrée.
  • Des élèves sans professeur à cette période de l’année, parfois depuis des mois, ce qui a même poussé une députée (de l’ex-majorité) à proposer ses services pour faire cours d’allemand à des élèves d’un collège de sa circonscription.
  • Recrutement des professeurs en  » job-dating », par des petites annonces sur Facebook, des parents d’élèves ou une députée qui cherche le coup médiatique.
  • La France détient le record des classes les plus chargées d’Europe au niveau collège, et sans truster les médailles européennes, le nombre d’élèves par classe en lycée (bien souvent 35 ou plus)
  • Le nombre des candidat·es au métier d’enseignant en chute libre.

En résumé 8 années de bricolage à l’image du parcours en Y de la voie pro.

Mais Emmanuel Macron adepte du concours Lépine pour l’éducation nationale, sort de son chapeau une convention citoyenne.

Le dévoiement des conventions citoyennes

Les conventions citoyennes ont été présentées comme un outil de démocratie participative afin de revitaliser une démocratie en crise. Mais l’usage qu’en a fait le président de la République est pour le moins hasardeux. Ainsi, alors qu’il avait promis de reprendre “sans filtre” les propositions de la convention climat (“Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe”, 25 avril 2019), il apparaît que 18 des 146 propositions, soit 12 %, font l’objet d’une reprise intégrale. Très loin des objectifs annoncés…

Si la convention citoyenne ne sert que de prétexte pour valider les analyses et propositions macronistes, l’opération pour l’avenir de l’École semble bien mal engagée…

Ainsi les premières orientations insidieuses d’Emmanuel Macron portent sur le sujet “vacances scolaires”. Il s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, souvent pour fustiger des vacances d’été trop longues. Pourtant  avec 8 semaines de vacances d’été pour les élèves, la France est en queue de classement européen, et bien des pays ont des vacances d’été plus longues, par exemple l’Italie, mais aussi des pays d’Europe du Nord (comme la Suède) sans cesse pris en modèle (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/08/29/rythmes-scolaires-la-france-a-t-elle-les-plus-longues-vacances-en-europe_6186976_4355770.html). Mais le sujet vacances est bien utile : il sert souvent à alimenter un prof bashing pointant les supposés privilèges des enseignant·es qui, dans l’imaginaire collectif, profitent de nombreuses semaines.

Depuis l’annonce du président, les micro-trottoirs se multiplient et chaque parent ou élève interrogé y va de sa suggestion, notamment les “cours dits fondamentaux le matin” et “enseignements artistiques et sportifs l’après-midi”. Cette organisation fait peser un lourd danger sur plusieurs disciplines, avec le risque de les voir externalisées de l’Éducation Nationale pour qu’elles soient prises en charge, à travers des ateliers qui n’ont rien d’un enseignement disciplinaire, par d’autres structures comme des associations. Ce serait un recul sans précédent pour la formation des élèves.

L’occasion de rappeler que l’expérimentation “cours le matin, sport l’après-midi” menée en 2010/2011 auprès de 210 collèges et lycées a été pour le moins mitigée. Une note de la DEPP a notamment souligné que le “dispositif “Cours le matin, sport l’après-midi” n’a pas d’effet notable sur la ponctualité, les absences et les sanctions. Il n’influe pas sur les capacités déclarées de concentration, d’attention, de mémorisation et d’effort.”

Il y a donc à craindre que cette convention citoyenne serve d’abord d’exutoire national, dans lequel chacun aura un avis bien tranché, mais complètement déconnecté de la réalité, puisqu’à l’instar de l’équipe de France de football, le pays compte 67 millions de ministres de l’Éducation Nationale.