La réforme de la classe de Terminale professionnelle mise en place dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle voulue par Emmanuel Macron est entrée en vigueur cette année. Sans vouloir jouer les Cassandre, l’ensemble des organisations syndicales de l’EN, de l’enseignement agricole mais aussi des domaines de l’emploi, du travail et de l’insertion, avaient alerté sur les conséquences néfastes que pourraient avoir cette réforme sur les jeunes des lycées professionnels et sur les personnels.
Pour rappel, le président a annoncé une réforme pour « faire du lycée professionnel un choix d’avenir pour les jeunes et les entreprises », dont le contenu est publié dans un dossier de presse en mai 2023. Aucun texte réglementaire depuis… mais des publications sur le site du ministère, une série de 12 mesures sans grande cohérence, si ce n’est toujours plus de libéralisme, de « libre choix », d’« encouragement des ambitions », d’accompagnement des chef·fes d’établissement, de rapprochement avec les entreprises et de dispositifs flous ayant pour but d’insérer et de former des exécutant-es immédiatement employables. Or ces dernières années, de réformes en réformes, le bac pro est dévalorisé, à rebours de l’intérêt des élèves et d’une amélioration des conditions de travail des personnels, et au détriment de l’ambition émancipatrice de l’école.
Dernière innovation : la transformation de la classe de terminale professionnelle. Les épreuves nationales communes du baccalauréat professionnel (le peu qu’il en reste : français, histoire-géographie-EMC et économie-gestion ou économie-droit suivant les spécialités) se sont déroulées les 12 et 13 mai 2025. Après ces dates, les élèves de très rares spécialités ont pu passer jusqu’au 19 mai des épreuves professionnelles sur tables, la grande majorité des évaluations ayant eu lieu en CCF (contrôles en cours de formation) tout au long de l’année.
Après ces épreuves, et à partir d’une date pouvant varier entre le 14 et le 26 mai selon les établissements, les élèves ont dû choisir entre 2 parcours. Soit le parcours dit « de poursuite d’études » pour les préparer à entrer en BTS, soit le parcours d’insertion professionnelle (quelques semaines de stage supplémentaires). Les élèves ont pu s’inscrire dans l’un ou l’autre des parcours sans aucun lien avec les vœux qu’ils avaient pu formuler sur Parcoursup. Sans chiffres officiels pour l’instant, on constate que dans l’académie, comme partout en France, chaque parcours a attiré la moitié des élèves, avec des variation très importantes : dans certaines sections, tous les élèves ont choisi le parcours d’insertion. De nombreux problèmes, prévus par avance par les syndicats de la FSU, sont apparus dans les 2 parcours.
Ainsi, certains élèves ont choisi de partir en stage, ceux-ci étant gratifiés d’un montant de 100€ par semaine grâce aux finances publiques, alors qu’ils souhaitent poursuivre leurs études l’an prochain. Pour les jeunes de LP, issus en majorité des classes populaires, le choix est vite fait. Ces stages n’ont parfois aucun lien avec la formation des jeunes : rien n’interdit à un jeune jurassien en Bac Pro étudiant le génie thermique ou l’électricité de faire un stage en boulangerie ou dans une enseigne de grande distribution cotée au CAC40. Fournir de la main d’œuvre gratuite à ces entreprises pour quelques semaines, est-ce vraiment un choix d’avenir pour les jeunes ? Aller travailler dans des entreprises sans aucune connaissance des règles de sécurité en vigueur dans un domaine différent de celui qu’on a étudié, sans visite médicale préalable d’aptitude, est-ce une façon de valoriser les jeunes de LP ? Qui prend la responsabilité en cas d’accident ? Des enseignants vont-ils être mis en cause ?
D’autres ont choisi de « rester » au lycée, même s’ils ne souhaitent pas poursuivre leurs études, ou s’ils souhaitent se réorienter dans un autre domaine à la rentrée prochaine. Un grand nombre n’y voient aucun intérêt, et comme cela s’était passé en lycée général en 2022, vu que les épreuves sont déjà passées, les taux d’absentéismes explosent : au moins 40 % d’après les retours que nous avons pu avoir dans le département, certain-es enseignant-es se retrouvent devant des classes vides… Et cela a forcément des conséquences sur les autres classes de LP.

Salle de classe vide, Image de jukai – Depositphotos.com
Cette réforme induit également une remise en cause du métier et des missions des professeur·es de lycée professionnel qui subissent cette mascarade. Certain·es parlent d’une perte de sens, d’autres d’une forme de harcèlement institutionnelle liée à une totale décorrélation entre les moyens alloués pour enseigner et évaluer les élèves et les objectifs fixés d’obtention du diplôme et de réussite en cas de poursuite d’études.
La réforme du baccalauréat professionnel imposée à marche forcée renforce la relégation scolaire et sociale de ses élèves. La FSU exige dès la rentrée prochaine le retour des examens en juin et l’abandon du parcours différencié, en attendant un réel plan de revalorisation de l’enseignement professionnel public sous statut scolaire négocié avec les acteurs de terrains, avec des moyens dédiés. Pour répondre aux enjeux industriels, écologiques et sociaux de demain, notre pays a besoin de jeunes formé·es et qualifié·es, et donc de politiques scolaires ambitieuses à leur service.
Jérôme Lenormand, 15 juin 2025